Pioneers of Pagonia: La fin de l’extractivisme à tout crin dans le jeu vidéo ?

A l’origine, les premiers RTS comme Dune ont posé les bases du gameplay de simulation, axés autour de construction de base, de collecte de ressources et de production d'unités destinées au combat.

Ces jeux ont mis l’accent sur l’exploitation effrénée de ressources et appuyaient une partie significative de leur gameplay sur des défis logistiques : En gros, on doit chercher à s’emparer le plus rapidement possible de territoires sur lesquels on identifie des gisements de ressources, on les combine à d’autres, et on les exploite avec le feu aux fesses. On cours pour produire le premier -et en masse- les éléments qui permettront de dominer le joueur adverse ou l’IA.

Sans y prêter véritablement d’attention, l’industrie du jeu vidéo assurait ainsi le service après-vente des politiques dites " extractivistes " ou " coloniales ", reposant sur un double processus d'extraction : celui qui consiste à tirer une ressource du sol (comme le bois, le pétrole, ou les minéraux) et celui qui consiste à exporter la ressource en dehors du pays producteur.

L'extractivisme est souvent associé à un modèle de développement économique qui dépend des marchés internationaux et qui ne favorise pas la diversification ni la transformation des ressources. L'extractivisme est critiqué par de nombreux chercheurs et militants, qui dénoncent ses impacts négatifs sur l'environnement, la santé, les droits humains, la démocratie, et la souveraineté des peuples.

En revisitant de manière épique toute l’histoire de l’humanité, marquée par les guerres, les conquêtes territoriales et les colonisations, la série Age of Empire est assez représentative de l’exaltation de cette extractivisme à outrance.

Mais ces dernières années, certains jeux de simulation intègrent plus ou moins profondément des réflexions autour d’enjeux différents pour enrichir leur gameplay.

Le cas d’Anno 1800 est intéressant car ce jeu de gestion et de stratégie se déroule en pleine révolution industrielle, âge d’or de l’extractivisme, et marque le début de la crise climatique actuelle. A ce titre, le joueur doit exploiter les ressources naturelles de différentes régions du monde, comme le charbon, le coton, le caoutchouc ou l'or, pour développer son empire et faire face à la concurrence.

Mais le jeu évoque aussi les conséquences environnementales et sociales, comme la pollution, le réchauffement climatique, les conflits ou les inégalités. Par exemple, le game design du jeu mesure en parallèle des activités du joueur la pollution qu’il génère et intègre que lorsque celle-ci augmente, le bonheur de sa population diminue.

L’équipe de développement du jeu a par ailleurs gagné le prix UNEP de l’édition 2021 de la Green Game Jam organisée par l’Alliance Playing for the Planet, pour avoir créer de nouvelles « activations vertes » dans les jeux, l’objectif était de souligner auprès des joueurs le rôle crucial des forêts et des océans dans la lutte contre la perte de biodiversité et le changement climatique.

De la même manière, des jeux comme Civilization ou Humankind sont venus questionner l’approche extractiviste en intégrant des notions nouvelles impactant le gameplay.

Dans Civilization VI, les développeurs ont décidé de mesurer les émissions de CO2 générées par les peuples dès le début de l'ère industrielle et modélisent en conséquence la perturbation du climat global qui se traduit par une progression en 7 phases avec, à chaque fois, des conséquences plus ou moins importantes sur l'élévation de la température et la fonte de la calotte polaire auxquelles doivent faire face les joueurs.

Humankind mesure également le niveau de pollution généré par l'utilisation de certaines ressources, notamment les énergies fossiles, dresse une liste des civilisations contribuant le plus à la pollution, et peut générer un "game over" si le niveau acceptable est dépassé.

Les équipes créatives des jeux cherchent de plus en plus à questionner la portée des récits dans leurs fictions afin de décrire des sociétés plus inclusives et plus durables dans leurs jeux.

C’est ce à quoi s’est intéressé le Collectif l’Ecran d’Après auquel s’est associé Gamesplanet, en proposant un guide destiné aux professionnels qui souhaitent questionner et refonder l’expérience offerte aux joueurs et joueuses.

Selon une étude de 2022 de Playing for the Planet Alliance, 78,6% des joueurs et joueuses interrogés pensent que les jeux peuvent aider à en savoir plus sur l’environnement et 60% des joueurs et joueuses exposés dans un jeu à des contenus liés au réchauffement climatique déclarent avoir modifié leurs comportements réels.

C’est pourquoi également Gamepslanet a créé dans le cadre de sa feuille de route environnementale, les Ecotags, permettant à nos clients d’identifier plus aisément les jeux véhiculant ces thématiques.

Dans Pioneers of Pagonia, plusieurs aspects sont intéressants :

• Avec leur approche « kawaii », les graphismes des îles de Pagonia mettent en avant des paysages enchantés, teintés de magie et donc suscitant une empathie toute particulière envers la nature,
• Dans Pioneers of Pagonia, on ne coupe pas des arbres à l'infini : Le jeu propose un système de gestion des ressources naturelles, qui oblige le joueur à économiser les ressources et prévoir leur régénération.

Ceci étant, Pioneers of Pagonia reste un jeu de gestion avec un but de jeu de gestion, dans la pure veine des Settlers : Des jeux où les terres, aussi enchantées soient elles, n'attendent que d'être explorées et colonisées.

On est encore loin de l’approche disruptive d’un Terra Nil, city builder inversé où l’objectif est de revenir à une nature intacte inviolée...